Par cette série, qui comprend une vingtaine de tableaux, j'ai essayé de proposer une réflexion sur les défauts de rationalité. De fait, la rationalité et les idéaux des Lumières ont fini par concentrer de multiples critiques, mais ce qu'on devrait déplorer, ce sont peut-être les effets d'une raison qui ne s'exerce pas ou qui s'exerce mal souvent par excès de confiance en soi. Le sommeil de la raison engendre toujours des monstres. De fait partout, à tous les niveaux, individus, organisations, milieux politiques, industriels, artistiques peuvent errer quand une décision immédiate, doit être prise, un choix stratégique fait, une explication donnée (voir C. Morel qui analyse de nombreux cas de décisions absurdes). On peut même craindre que d'une part les croyances, farfelues, anodines, dangereuses ou encore promues par l'intérêt, et la stupidité d'autre part devenues culture à l'ère du vide (voir G. Lipovetsky) ne gagnent du terrain (voir G. Bronner, La démocratie des crédules). La raison peut encore être en sommeil du fait de la maladie et pose d'autres problèmes.

Ainsi me vient le goût de la riposte et de la critique, et par cette forme d'engagement, j'attribue un rôle social à ma peinture. Mes intérêts pour l’histoire, la géographie, les sciences de l’information –du fait de ma formation- les sciences humaines en général, sociologie, ethnologie, psychologie sociale, la politique nourrissent par mes lectures mes points de vue et aboutissent à des idées de tableaux.

 

« Une bonne œuvre d'art n'est ni une réponse, ni une question. Une bonne œuvre d'art est un nœud. », Michael Borremans

 

 

Qu'en est-il de l’acte de peindre ?

« Entre l’acte d’écrire et l’acte de réfléchir sur l’écriture, il n’y a pas de dissociation », Julien Gracq

« Le medium, c’est le message », Marshall McLuhan

« Je crois que la peinture existe toujours. C’est le medium le plus simple. Vous n’avez besoin que de châssis, de toiles, de peinture et de pinceaux. C’est la façon d’utiliser le minimum de moyens pour obtenir le résultat maximum », Yan Pei Ming

J'en questionne la rationalité. Car si je connais certaines de mes limites intellectuelles, en peignant je suis confronté à d'autres limites, y compris celles de la rationalité de cette activité et de ses objectifs.

Certes la peinture demeure un mode d'expression et de représentation, donc de communication qui fonctionne toujours, socialement admis, inscrit dans les représentations, séduisant, raison pour laquelle je vais piocher des références, des esthétiques et je m’approprie dans certains cas des peintures des XVIe, XVIIe et XIXe siècle ; portrait Renaissance pour l'âme mélancolique par exemple, complexité imaginative de Brueghel, clairs-obscurs des lumières et des relations Caravagesques, nuit romantique allemande qui tombe sur l'asile, paysage photo-réaliste comme Richard Estes. La peinture a aussi un marché et même un impact accru ces dernières années. Cependant techniquement ce « fait main » chronophage et qui va contre la facilité à l'ère de l'hyper-reproduction mécanique (Benjamin, Lipovetsky) et du numérique, est dépassé. D’où l’idée de me peindre en train de peindre un peintre (Hockney, dans L'évolution prévisible du métier) qui peint sans peindre vraiment parce qu’il a renoncé aux pinceaux pour une tablette numérique .

  

Le statut des images en général en sort questionné. Lenteur et rareté contre le flot. Pas de série répétitive mais une attention spécifique pour chaque tableau.

 

Le rapport de la peinture à la photographie est interrogé lui aussi. Quand on s'intéresse au réel on a besoin de documents. Les photos sont des sources qui possèdent un pouvoir, une qualité particulière entretenue en relation avec la vérité (S. Sontag, Sur la photographie). Je les recombine. Comme toute information, représentation, mes images sont des reconstructions, des transformations qui visent à montrer, démontrer, représenter.

Je ne cherche pas à m'en tenir au réel, au banal, à la photo même si je recherche parfois un rendu photo-réaliste. J'essaie de créer des scènes complexes porteuses d'enjeux. Exceptionnelles. Donc je produis des images réalistes de scènes qui n'ont pas existé. Plus denses. Originales, recourant aux procédés de la rhétorique pour être marquantes et construire un questionnement adressé au regardeur.

Grâce à ce travail, je fais avec la peinture ce que je ne savais pas faire avec la photographie.

«La photo n’est pas un moyen auxiliaire pour la peinture mais la peinture est un moyen auxiliaire pour une photo réalisée avec les moyens de la peinture » G. Richter

On peut dire aussi que je fais d'une photo une peinture en puisant aux sources de l'histoire de la peinture.

Mais mes sources photographiques, rien d'original de ce côté, sont tout ce qu'il y a de plus contemporaines. Photos personnelles souvent, images de presse, de tv, d’organisations, sources diverses sur internet d'images de lieux ou de moments suffisamment photographiés pour ne pas renvoyer à une création définie. Les photos comme le geste pictural se font oublier dans une techniques peu expressive.

 

Le choix de l'usage de photographies permet le choix de la complexité comme invitation au sens. Je veux réintroduire de la complexité car le réel est comme cela. Un jeu de relation de causes, d'effets, d'adaptation, de réactions... en contexte. Le propos des tableaux n'est pas indirect mais complexe. Et tant pis si les tableaux dont le motif est très simple, symbolique, métonymique, ont souvent une grande force visuelle, je les trouve souvent simplistes. Le regardeur est donc invité à considérer une situation complexe que des éléments peuvent permettre de comprendre à plusieurs niveaux et à s'interroger sur le sens de ce travail ; c'est à dire l'image produite mais aussi la manière dont elle a été peinte -dans un monde résolument liquide (Z. Bauman). Un peu comme chez R. Estes -en moins bien- le travail est précis et n'établit pas une hiérarchie entre ce qui est représenté exactement et ce qui serait simplifié, flouté. Tout est à voir. En revanche il y a presque toujours des figures humaines, question de propos, de goût pictural, d'efficacité : l’œil -le cerveau en fait- est attiré par la figure humaine en une pulsion scopique.

 

D'un point de vue technique, sur toile de lin, à l'huile ou acrylique, la peinture fluide est appliquée en de nombreuses couches – en pratiquant des ajustements successifs, résultat de leçons retirées d'un travail de copie de peintures chinoises à l’encre noire ; couches additionnées, combinaison de points, traits et surfaces. Un vocabulaire très basique.

Je n'ai pas de grand geste expressif, dans ma pratique le regard est plus important que le geste.

Certes une technique, mais pas de style ou un style flottant, toujours en devenir. Ou encore des points communs et des variantes, alors ce qui peut constituer un style se trouve dans ce qui n'est pas maîtrisé.

Le rendu se veut réaliste ou photo-réaliste parfois dans le souci de donner de la force à la scène.

 

Le format des tableaux sert leur impact visuel et immerge le regardeur dans la scène.

 

LISTE PROVISOIRE DES TABLEAUX

 

Retour d'Irak Cimetière militaire d'Arlington en 2006

 

 acrylique sur toile de lin, 223cmx89cm

 

Babel

 

acrylique sur toile de lin, 146cmx115cm

 

Les liquidateurs

 

acrylique et huile sur toile de lin, 250cmx170cm

 

Verdun de bibliothèque

 

acrylique sur toile de lin, 250cmx170cm

 

Crépuscule afghan

 

acrylique sur toile de lin, 250cmx150cm

 

L'île

 

acrylique sur toile de lin, 250cmx150cm

 

Melancholia Charpak

 

acrylique sur toile de lin, 170cmx180cm

 

600H, Carrefour des Croyants

 

acrylique sur toile de lin, xxcmx89cm

 

Discordia mentis

 

acrylique sur toile de lin, 250cmxxxcm

 

Noli me tangere

 

acrylique et huile sur toile de lin, 250cmxxxcm

 

Bibliotheca Semiologica Curiosa Lunatica Magica et pneumatica

 

acrylique sur toile de lin, 73cmxxcm

 

Les tricheurs

 

acrylique sur toile de lin, 190cmx140cm

 

L'évolution prévisible du métier

 

acrylique et huile sur toile de lin, 250cmx170cm

 

Absurdes décideurs

 

huile sur toile de lin, 250cmx170cm

 

Burning canoë

 

huile sur toile de lin, 250cmx150cm

 

Ghost city

 

huile sur toile de lin, 250cmx150cm

 

La nouvelle fatigue d'être soi

 

huile sur toile de lin, 190cmx150cm

 

La petite fabrique du pouvoir

 

huile sur bois, 20x30cm